Le rêve brisé sur le toit du monde

Le livre de Frédéric Lenoir, L'Âme du Monde, fait consensus : livre abordable, universel, facile à lire, parfait pour l'été. Aujourd'hui la rentrée est passée, les valises et la paresse sont rangées au placard, les articles sérieux réapparaissent.

Le conte philosophique que nous évoquons ici se passe au Tibet, invitation au voyage et à la sagesse s'il en est, sur la frontière entre la Chine et l'Inde. Son début se veut hors du commun, des sages de par le monde reçoivent un même message sous des formes miraculeuses et variées qui les incite à se rendre à Toulanka, monastère sur le toit du monde. Alors tous y arrivent et Lama Dorjé vient les chercher pour les mener en son monastère car il avait vu leur venue en rêve.

La fiction nous fait rêver tandis que la réalité de ce coin du monde est autrement moins enjôleuse. Quand bien même une âme universelle au monde pourrait communiquer avec des hommes et des femmes éveillées, la réalpolitik chinoise les aurait empêchés de se retrouver ensemble. En effet, le touriste étranger ne peut pénétrer au Tibet qu'au sein d'un groupe de 15 autres individus de même nationalité. Ce qui est réalisable pour la hollandaise ou l'indienne est beaucoup plus ardue pour le nigérian.
De plus, il aurait fallu à chacun échapper à la surveillance du guide chinois pour se rendre sur la frontière sino-indienne fourmillant littéralement de militaires. Une présence lourdement armée a été placée en ces lieux pour des raisons de querelles territoriales avec le voisin mais aussi pour intercepter les tibétains rêvant de liberté dans l'exil (liberté culturelle, religieuse et d'éducation). Ces tibétains, enfant et adultes, se font éconduire ou tirer dessus, ce qui les force à voyager de nuit, multipliant ainsi les risques mortels qu'impliquent la très haute montagne. Des enfants meurent dans ces périples qui doivent les mener vers une école libre. Une infime partie de ces exilés passent cette frontière, ils préfèrent la sino-népalaise mais, désormais, l'armée népalaise les renvoie au-delà des montagnes avant qu'ils n'atteignent leurs semblables ou une ONG.
Ce n'est pas pour rien que des tibétains s'immolent par le feu depuis plus de deux ans, dont 7 au mois d'août tandis que nous lisions, lors de paisibles vacances, L'Âme Du Monde.

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